« Plus de 80 milliards de dollars ont été dépensés en 2023 par des marques pour des écrans publicitaires ne permettant aucune vente possible »


Pas loin d’un quart des sommes dépensées par les marques pour faire leur publicité en ligne tombe actuellement dans l’escarcelle d’escrocs, affirme la société de recherche indépendante Juniper Research (« Quantifying the Cost of Ad Fraud : 2023-2028 », Juniper Research Report, 2024).

Les entreprises pensent que des humains cliquent sur leurs annonces, mais les clics qui sont comptabilisés ne leur apporteront jamais aucun achat, car ils proviennent en réalité de robots installés dans de gigantesques « fermes à clics » par des délinquants très organisés, capables aussi de prendre le contrôle de télévisions connectées, d’ordinateurs ou de smartphones à l’insu de leurs propriétaires, pour les faire ensuite cliquer nuit et jour sur les écrans publicitaires…

De plus en plus de grandes entreprises américaines ont conscience de l’ampleur du problème et cessent d’investir dans ces publicités en ligne. Procter & Gamble a par exemple radicalement coupé son budget en 2018, diminuant sa dépense de 200 millions d’euros, presque sans impact sur ses ventes. Des sociétés aussi connues qu’Uber, la banque Chase ou eBay, ont de même quasi cessé ces dernières années de payer pour avoir des publicités en ligne.

A l’échelle mondiale, Juniper Research Report estime que plus de 80 milliards de dollars [environ 74,71 milliards d’euros] ont été dépensés en 2023 par des marques pour des écrans publicitaires ne permettant aucune vente.

Des escrocs aux diverses spécialités

Comment est-ce possible ? L’organisation très complexe du marché de la publicité en ligne explique en bonne partie le fait qu’il soit très difficile de le contrôler. Les entreprises confient leurs budgets publicitaires à des plates-formes spécialisées qui interviennent, via toute une cascade d’intermédiaires, sur des places de marché où sont mis aux enchères, via une autre cascade d’intermédiaires, des dizaines de millions d’espaces publicitaires. Les opérations entre ces milliers d’acteurs se font à des vitesses ultrarapides, de l’ordre de la microseconde.

L’étude, en lien avec Europol et la gendarmerie nationale, de six communautés de cybercriminels qui échangeaient sur des forums de discussion dédiés à la fraude publicitaire montrent comment celles-ci s’organisent pour détourner des fonds (« How cybercriminal communities grow and change : An investigation of ad-fraud communities », Jean-Loup Richet, Technological Forecasting and Social Change n° 174, 2022).

Des escrocs aux diverses spécialités, situés un peu partout dans le monde, s’allient ainsi pour gagner toujours davantage d’argent. Certains sont des experts techniques, capables d’usurper l’identité d’utilisateurs de réseaux sociaux ou d’infecter votre caméra connectée pour qu’elle participe au visionnage d’annonces. D’autres font croire que les robots à l’œuvre derrière ces fausses identités se comportent comme des humains normaux en installant des applications mobiles ou en cliquant sur des publicités. D’autres enfin, louent des serveurs pour héberger de faux sites Internet qui récupèrent les sommes dépensées par les annonceurs.

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Catégorie article Politique

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